Rénovation de l’ancienne grange de l’exploitation agricole et transformation et réhabilitation en logement, Allier, 2021.
« Le régisseur fit observer dans les bergeries de petites ouvertures à ras du sol, et dans les cases aux cochons, des portes ingénieuses, pouvant d’elles-mêmes se fermer. La grange était voutée comme une cathédrale avec des arceaux de briques reposant sur des murs de pierre. »
Bouvard et Pécuchet – Gustave Flaubert
Le projet concerne un des bâtiments du corps de ferme d’un hameau : la grange, depuis longtemps inutilisée. Le hameau, anciennement est progressivement laissé à l’abandon au cours du XXe siècle jusqu’à 2015, où les idées de projets commencent à faire surface. L’objectif de ces travaux était de concilier la demande de restauration et le respect du patrimoine, le tout dans un territoire en déprise où l’immobilier a perdu toute sa valeur, et de redonner ainsi une vie à ce hameau. Chaque bâtiment a été rénové avec attention en privilégiant les matériaux biosourcés locaux et le réemploi.
La grange à usage agricole (comprenant une écurie et fenil) a constitué un élément majeur du projet de réaménagement de l’ensemble du hameau. Implantée sur un terrain accidenté, elle forme une scène paysagère remarquable composée d’un bâtiment, d’un abreuvoir empierré et d’un abri, le tout construit en moellon de pierre de granit rose et ombragé par le houppier d’un chêne bicentenaire.
Le bâtiment, construit dans la pente du terrain, était composé en rez-de-chaussée d’écuries à vaches et, à l’étage, de fenils accessibles depuis le chemin donnant dans la cour de ferme.
Le projet a consisté en priorité à sauvegarder les deux tiers Sud du bâtiment, tout en conservant l’ambiance si particulière de la scène paysagère (pignon sud, abri, abreuvoir, et chêne).
Concernant le bâtiment principal de la grange, des travaux de sauvegarde ont été menés sur les fermes et les murs de façades de la partie Sud, consolidés par des tirants. La charpente, la couverture et les planchers étaient à refaire entièrement. L’abri attenant à la grange a vu sa charpente et sa couverture, abîmés, être aussi refaits complètement. Enfin, le chêne fut élagué pour le débarrasser de ses branches mortes et lui redonner un port plus léger, participant à la finition de la scène paysagère que forme l’ensemble.
Une fois ces premiers travaux de sauvegarde menés à bien, le projet a consisté en l’aménagement d’un logement dans le fenil, sur une surface disponible d’environ 80m².
L’intégralité des écuries à vaches a été conservée dans la partie sauvegardée, ainsi que dans l’espace couvert de l’entrée charretière. Un garage a trouvé sa place au rez-de-chaussée. Les ouvertures existantes et les menuiseries des portes ont aussi été restaurées, le tout pour préserver le caractère rural de l’ensemble. De nouveaux percement ont néanmoins vu le jour, notamment sur la façade sud avec la création d’une nouvelle entrée dans l’optique d’obtenir un apport optimal en terme de performance énergétique : elle a été créée avec un linteau en bois et un jambage en pierres de récupération, sous la forme d’une entrée charretière donnant sur une large terrasse. Les autres ouvertures sont aussi composées d’un linteau de bois et d’un jambage en pierres de récupérations, puis d’un plein vitrage et de menuiseries en aluminium.
Au R+1, dont l’entrée principale se situe dorénavant sur le pignon sud dans lequel a été creusée cette grande ouverture, on retrouve un grand séjour comprenant une salle à manger et un salon, ainsi qu’une cuisine et deux chambres avec une salle de bain privée chacune. Enfin, une mezzanine est aménagée et surplombe la salle à manger.
Pour maîtriser son empreinte carbone, l’usage du réemploi et des matériaux biosourcés ainsi que la consultation de petites entreprises locales ont été privilégiés pour la phase chantier. Tout d’abord, on peut noter que les tuiles existantes ont été déposées, puis triées et stockées afin d’être réutilisées une fois la charpente rénovée. D’anciennes portes ont aussi été récupérées, et les réservations dans les maçonneries ou les cloisonnements ont été spécialement dimensionnées pour les accueillir. Enfin, lors de la reprise de la charpente, certaines pannes d’origine ont pu être réservées et certaines purgées ou tronçonnées en fonction de leur état sanitaire pour être réutilisées comme linteau de fenêtre, poutres ou encore encadrement d’ouverture.
En ce qui concerne les matériaux biosourcés, 3 produits ont été sélectionnés : la laine de bois, la chaux, et le chanvre. Tous ces matériaux sont produit localement et participent à l’économie de la région. La chaux aérienne provient en partie d’une carrière à Ébreuil, une commune située, à 70 km du projet, le chanvre en vrac et panneaux de laine de chanvre (utilisé pour isoler les planchers, plafonds et doublage des rampants et cloisons) provient de la « filière Chanvre Auvergne » basée à Contigny, à moins de 50 km du chantier. Les entreprises sollicitées telles que l’électricien, le terrassier, le menuisier et le plâtrier-peintre se trouvent dans un rayon de 5 km du chantier, le maçon, ainsi que le plombier-chauffagiste à une distance de 20 à 30 km.
Pour ce projet, c’est de la laine de bois qui a été utilisée en partie pour effectuer l’isolation de la grange. La laine de bois présente de nombreux avantages, elle est entièrement recyclable et sa fabrication est écologique, ce qui lui permet de bénéficier du titre de matériau biosourcé. Au niveau des performances énergétiques, il s’agit d’un très bon isolant grâce à sa conductivité thermique très faible, de plus le temps de déphasage est très élevé (entre 10 et 15 h). Ce qui signifie que la matière emmagasine la chaleur la journée et la restitue la nuit pendant l’hiver, la laine de bois gère aussi très bien les surchauffes estivales. On peut aussi noter que l’isolation acoustique est excellente, la laine de bois est également pérenne, elle résiste aux insectes, aux rongeurs, aux moisissures et aux champignons.
Ensuite, pour les enduits, c’est la chaux aérienne qui a été retenue, elle possède de nombreux avantages, surtout pour la rénovation du bâti ancien. L’enduit à la chaux permet une perspirance des murs, c’est-à-dire qui laisse circuler les vapeurs d’eau pour que le mur « respire » et reste sain. Il contribue aussi à limiter les problèmes liés à l’humidité et protège les murs des intempéries et des ruissellements d’eau. Enfin, l’enduit à la chaux aérienne diminue l’apparition de fissures grâce à sa souplesse et son élasticité.
Enfin, en complément de la laine de bois, c’est du chanvre en vrac qui a été utilisé pour isoler les planchers et plafonds. Le chanvre, matériau biosourcé, est un excellent isolant thermique ainsi qu’acoustique, la culture du chanvre est peu polluante et consomme peu d’eau. Insensible aux rongeurs, sa fabrication est écologique, ce qui en fait un matériau particulièrement respectueux de l’environnement avec une très faible énergie grise. Il est aussi perméable à la vapeur d’eau et régule l’humidité du bâtiment, il possède une résistance et un bon comportement au feu. Mélangé à de l’enduit de chaux, c’est un très bon complément à rajouter sur des murs afin d’améliorer leurs performances thermiques, il annule la sensation de paroi froide et augmente la température ressentie dans le bâti ancien.
Maître d’ouvrage : Privé
Mission : maîtrise d’œuvre complète
Surface : 80m2 de logement créé à l’étage de la grange